Le 18 novembre dernier, nous avons organisé une dégustation des vins du Douro produits par Niepoort. Nous avons ouvert les cuvées emblématiques du domaine : Redoma, Coche, Batuta, Charme, Turris, à chaque fois avec un millésime récent comparé à un millésime ancien. L’évolution du style est impressionnante. Les vins possèdent leur identité avec comme ligne conductrice l’élégance et la finesse.
Depuis plus de 40 ans, Dirk Niepoort a révolutionné la façon de faire des vins au Portugal. Nous avons profité de cette occasion pour lui poser quelques questions.
La vallée du Douro est l’une des plus belles régions viticoles au monde mais y travailler n’est pas simple. Ce fut une évidence pour vous de continuer l’aventure familiale ?
Le Douro est la plus belle région du monde ! L’annoncer comme cela peut paraître prétentieux mais il faut savoir que c’est un endroit fascinant et incroyable.
J’ai fait des études d’économie et je ne connaissais rien au vin. Issu d’une famille de négociants, prendre le relais s’est fait de manière naturelle. Je m’y suis intéressé tardivement, lorsque j’ai commencé à voyager. D’abord en Suisse où j’ai commencé à découvrir le vin, puis en Californie. J’ai appris ce métier en rencontrant des vignerons issus de différents vignobles du monde et en dégustant des bouteilles avec eux ! Cette expérience de voyages, de découvertes, de partages de cultures m’a considérablement ouvert l’esprit. Cela a été une révélation et je savais alors ce que j’avais envie de faire.
En trois décennies, le Douro qui était producteur de raisins pour l’élaboration du Porto est également devenu une appellation renommée pour la qualité de ses vins et vous en êtes l’un des principaux acteurs. Comment avez-vous fait pour produire des vins d’un style que l’on pourrait qualifier de bourguignon ?
Dans les années 80, les producteurs de vins non mutés dans le Douro se comptaient sur les doigts d’une main. Il y avait alors très peu de vins rouges et encore moins de blancs ! Le Porto était roi. Pendant longtemps, nous avons pensé qu’un vignoble faisant un grand Porto pouvait faire un grand vin. La réalité n’est pas aussi simple.
Il a fallu aller chercher les vignes les plus hautes, exposées Nord pour obtenir de la fraîcheur. Nous avons diminué la proportion du Touriga Nacional, le cépage phare du Douro, au profit d’autres qui s’adaptent mieux aux conditions climatiques. Nous avons appris à connaître le Douro pour y produire des vins de renoms.
Quand je suis parti de Californie en 1987 pour revenir au Portugal, je voulais essayer de faire du vin mais je ne connaissais que le style californien, robuste, lourd, avec beaucoup de maturité. Je savais qu’en France par exemple, il y avait des vins avec plus d’élégance, mais je ne les connaissais pas. Mon premier vin a donc été construit sur la puissance, très massif. Et, au fil du temps, j’ai cherché à obtenir un jus avec de la finesse, sur la fraîcheur, un élevage qui apporte de la subtilité plutôt que du boisé. Il m’a fallu plus de 20 ans pour y parvenir !
Le secret, c’est vendanger plus tôt, adapter les cépages, extraire moins. En un mot respecter la nature.
En plus du Douro, vous vous êtes installé à Dão et Bairrada, qu’elles sont les différences entre ces trois régions viticoles ?
Quand j’ai commencé à travailler avec mon père en 1987, nous avons acquis Quinta de Napoles, un domaine viticole de 62 hectares dans le Douro. Nous sommes ensuite allés dans les régions de Bairrada et de Dão. J’ai aussi fait du vin en Afrique du Sud, en Espagne, en Autriche, en Allemagne. Toutes ces expériences m’ont vraiment aidé à comprendre le terroir du Douro, ses difficultés et les réalités auxquelles nous étions confrontés.
Ces trois régions portugaises sont juste à côté les unes des autres, mais chacune possède son propre terroir. La façon de les travailler est totalement différente, mais le but est toujours le même : montrer l’identité de chacune de ces appellations. Alors pour cela, nous adoptons le concept du ‘less is more’ : un minimum d’intervention pour laisser le terroir s’exprimer le plus possible.
Au niveau des cépages que vous travaillez, il y a notamment du Riesling, plutôt rare pour le Portugal…
C’est une histoire de hasard et de rencontre. Je voulais acquérir au début des années 2000 du Chardonnay et le viticulteur-vendeur avait également du Riesling qu’il souhaitait arracher. Je m’y suis opposé sans vraiment savoir ce que cela donnerait. Cependant, le vignoble était très bien exposé, à 800 mètres d’altitude. J’ai repris ces vignes, elles produisent toujours et j’aime beaucoup ce Riesling !
Quel est votre regard sur le changement climatique que l’on observe un peu partout ?
Je suis plus préoccupé pour les régions fraîches, comme la Moselle ou la Bourgogne, qui font des vins sublimes parce que le climat est frais. Chez nous, il fait toujours chaud et il y a très peu d’eau. Nous sommes déjà dans une situation extrême. La chance que nous avons, c’est la possibilité de pouvoir monter en altitude dans le Douro Superior. Notre avenir est certainement là. Ensuite, il faut bien comprendre que produire un grand Porto ne demande pas les mêmes conditions que produire un grand vin rouge ou produire un grand vin blanc. Cela signifie qu’une année considérée comme mauvaise pour le Porto peut-être bonne pour le vin.
Vous avez travaillé dans plusieurs pays avec différents projets. Y a-t-il des endroits à découvrir où vous aimeriez produire du vin ?
Tout le monde me dit que j’en fais déjà trop ! Donc j’essaye de me concentrer sur ce que j’ai en allant au bout des choses. Après, je regarde toujours ce que l’on peut faire ailleurs. Il y a une région très intéressante à une centaine de kilomètres à l’Est de Lisbonne qui s’appelle Portalegre. Aussi, j’aimerais faire un essai dans les Açores…
Comment se profile l’avenir chez Niepoort ?
J’ai trois enfants dont deux qui travaillent déjà dans la viticulture en Allemagne. Daniel, le plus grand, va commencer à travailler avec moi en Février.
Nous avons également chez nous une plantation de thé, ce qui est très rare en Europe. Nous l’élevons dans des fûts de Porto. Ce thé ‘Niepoort’ est original et délicieux ! Il n’y a pas que le vin et le Porto dans la vie !